Texte prononcé à l’occasion de la remise du Prix littéraire des lycéens de l’Euregio le 24 mai 2023 à Heerlen
D’une certaine façon, traduire Ik ga leven de Lale Gül a constitué pour moi une expérience un peu inédite. Non tant en raison du passage du néerlandais au français – même si le grand écart, dans l’original, entre les différents registres de langue a certes représenté un véritable défi –, que des circonstances qui ont précédé ce travail. J’ai pris connaissance du roman peu après sa parution, y ai consacré une recension et, dès mars 2021, écrit en collaboration avec un ami journaliste un long article sur la polémique que le livre suscitait aux Pays-Bas. Ceci parce que les rares médias francophones qui évoquaient la question s’en tenaient à des données très approximatives, voire erronées – ce qui est malheureusement souvent le cas, je dois dire, lorsqu’une actualité porte sur la Hollande.
Traducteur de Marieke Lucas Rijneveld, j’avais pris quelques semaines plus tôt la parole – par écrit et à la radio – au sujet d’une autre polémique qui secouait le landerneau littéraire batave et celui des traducteurs européens : l’« interdiction » faite à la jeune poète et romancière blanche de traduire le poème d’une Noire américaine.
On dit souvent que le traducteur d’un livre donné en est le meilleur lecteur. On pourrait ajouter que le traducteur, dans son aire linguistique, est souvent la personne la mieux informée au sujet de ce qui se dit et s’écrit à propos d’un écrivain étranger qu’il traduit ou qu’il suit de près. Vous l’aurez compris, la maîtrise de pareils sujets me pousse à l’occasion à m’exprimer sur un auteur donné. C’est d’ailleurs ma prise de parole au sujet de Lale Gül qui a incité les éditions Fayard, maison au sein de laquelle je ne connaissais personne, à me demander de traduire Ik ga leven. Auparavant, des journalistes m’avaient contacté pour obtenir d’autres précisions sur le roman et son autrice ; peu après, Lale Gül figurait en couverture de l’hebdomadaire Le Point.
Ce bref propos pour illustrer le fait que le rôle du traducteur ne se limite pas toujours à un simple travail d’écriture et de réécriture. Il arrive qu’on défende un écrivain auprès d’un éditeur ; il arrive aussi qu’on éprouve le besoin de prendre la défense d’un écrivain devant l’opinion publique.
Avant même d’avoir échangé le moindre mot avec Lale Gül, j’avais donc déjà rompu une lance pour elle. Vous, lycéens de ces contrées frontalières, en lui décernant ce prix de l’Euregio, vous venez de rompre une lance pour son roman, ceci avant même que la traduction française ne soit parue ! Lale serait-elle pressée de vivre en français ?
Dit stuk verscheen eerder op het weblog van Daniel Cunin
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